LES COLONIAUX EN 1914-1918 Les Troupes Coloniales en 1914 - Les Unités coloniales dans la guerre de 14-18 - Prise d'un drapeau - L’épopée du Fortin de Beauséjour - Front de CHAMPAGNE 1915 - Verdun, la Somme 1916 - L'Aisne 1917 - les batailles défensives de 1918 - Les offensives de 1918 - Les Dardanelles - Campagne de Macédoine - Autres Fronts - |
1ere division d'infanterie coloniale,
à Paris, général Leblois. Comprenant la 2e brigade. à Lyon, général Simonin (5e et 6e régiments, à Lyon) et la 5e brigade, à Paris, général Goullet (21e et 23e régiments, à Paris).
2e division d'infanterie coloniale,
à Toulon. général Leblois comprenant la 4e brigade. à Toulon, Colonel Boudonnet (4e et 8e régiments à Toulon) et la 6e brigade, à Marseille, général Caudrellier (22e régiment à Marseille, 24e régiment a Perpignan et à Sète).
3e division d'infanterie coloniale, à Brest, général Raffenel, comprenant la 1ere brigade a Brest, général Montignault (1er régiment à Cherbourg, 2e régiment à Brest), et la 3e brigade à Rochefort, général Rondony (3e régiment à Rochefort. 7e régiment a Bordeaux).
Brigade d’Artillerie coloniale,
général Gautheron,à Paris, comprenant le 1er régiment à Lorient, le 2e régiment à Cherbourg et Brest, le 3e régiment à Vincennes (fort de Charenton). Toulon et Marseille.
Il y avait encore la section des secrétaires d'état-major coloniaux à Paris; la section de télégraphistes coloniaux à Lyon; la section de commis et ouvriers militaires d’administration des troupes coloniales à Paris (fort de Bicêtre), la section d’infirmiers militaires des troupes coloniales à Marseille et le Dépôt
des isolés des troupes coloniales à Marseille avec annexe à Bordeaux et à Saint-Nazaire.
Au Maroc existaient six régiments de marche d'infanterie coloniale, chacun à un bataillon blanc et deux bataillons noirs dont les garnisons d'attache étaient respectivement Rabat, la Chaouïa, Meknés, la Chaouïa et le sud. Fez, Marrakech. et un bataillon supplémentaire européen à Fez.
En outre, deux groupes mixtes d'artillerie coloniale, soit trois batteries montées et quatre de montagne, et un groupe de conducteurs sénégalais à Six compagnies.
En Algérie, se trouvaient deux bataillons de tirailleurs sénégalais, le 1er a Colomb-Béchar le 2e à Orléansville.
Les troupes coloniales stationnées aux colonies étaient divisées en six groupes et un corps d’occupation.
Groupe de l’Indochine
quartier général a Hanoi. Division du Tonkin Hanoi, comprenant la 1ere brigade à Hanoi (9e régiment d'infanterie coloniale a Hanoi, 1er régiment de Tirailleurs tonkinois à Hanoi, 4e régiment de tirailleurs tonkinois a, Nam-Dinh) et la 2e brigade à Bac-Ninh (10e régiment d'infanterie coloniale a Haïphong, 2e régiment de tirailleurs tonkinois au 7 pagodes, 3e régiment de tirailleurs tonkinois a' Bac-Ninh).
Cette division comprenait encore une 3e brigade a Saigon (11e régiment d’infanterie colonial à Saigon et 1er régiment de tirailleurs annamites, Les Mares, ces deux unités chacune à quatre bataillons au lien de trois comme les précédentes.
Artillerie : au Tonkin. le 4e régiment d’artillerie coloniale à Hanoi (cinq batteries dont deux montées) et la 6e compagnie mixte d'ouvriers à Hanoi. En Cochinchine, le 5e régiment d’artillerie coloniale à Saigon (quatorze batteries, dont quatre montées. trois de montagne et sept à pied). la 7' compagnie d'ouvriers, le tout à Saigon et au cap Saint-Jacques.
Les services étaient entièrement groupés à Hanoi.
Corps d'occupation de Chine
quartier général à Tien-tsin (16e régiment d'infanterie coloniale a Tien-tsin)
Groupe de l’Afrique occidentale
quartier général à Dakar
Infanterie : bataillon d'infanterie coloniale à Dakar 1er régiment de tirailleurs 'Sénégalais à Saint-Louis.' 2e régiment de tirailleurs sénégalais a Kati; 3e régiment de tirailleurs sénégalais en Côte d’Ivoire 4e régiment de tirailleurs sénégalais à Dakar. Et deux bataillons de tirailleurs sénégalais formant corps.
le 2e à Tombouctou, le 3e à Zinder.
Cavalerie escadron de spahis Sénégalais a Saint-Louis.
Artillerie 6e régiment d’artillerie coloniale à Dakar et Kati (sept batteries dont une de montagne, deux montées, quatre a pied. Un détachement d'ouvriers
d’artillerie a Kayes.
Groupe de l’Afrique équatoriale
quartier général a Brazzaville.
Territoire militaire du Tchad (régiment de tirailleurs de l'Afrique équatoriale à Fort-Lamy ).
Groupe de l'Afrique orientale,
quartier général à Tananarive.
Infanterie : bataillon d'infanterie coloniale a Diégo-Suarez; 1er régiment de tirailleurs Malgaches à Tananarive 2e régiment de Tirailleurs malgaches à Tamatave, 3e régiment de tirailleurs malgaches à Diégo-Suarez, bataillon de tirailleurs Sénégalais à Majunga, bataillon d'infanterie coloniale de l'Emyrne
à Tananarive.
Artillerie : 7e régiment d'artillerie coloniale a Diégo-Suarez et en Emyrne (six batteries, dont une montée, deux de montagne, trois à pied). 10e et 11e
compagnies d'ouvriers à Tananarive et Diégo.
Groupe des Antilles
.
Martinique, une compagnie d'infanterie coloniale à Fort-De-France; une batterie à pied à Fort-De-France.
Guadeloupe, un peloton d'infanterie à Basse-Terre.
Guyane, une compagnie d'infanterie coloniale à Cayenne.
Groupe du Pacifique.
Nouvelle-Calédonie, deux compagnies d’infanterie à Nouméa et un peloton à Tahiti.
L'ensemble assez considérable représentait 102 bataillons et 39 batteries. Dont 36 bataillons et 12 batteries en métropole et 21 bataillons en Afrique du Nord . Dans ce total de 102 bataillons, la « force noire » représentait le quart.
La guerre allait considérablement augmenter ces effectifs.
Les nécessités de la mobilisation avaient obligé le commandement à effectuer des changements de garnison en 1913. C’est ainsi que deux régiments d'infanterie coloniale avaient été envoyés du Cherbourg et de Brest à Lyon, mesure incompréhensible pour ceux qui ignoraient qu'ils allaient combattre avec, le 14e corps d’armée dont le quartier général était dans cette ville. Il y avait eu permutations de régiments entre Bordeaux et Rochefort.
Enfin, un 3e régiment d'artillerie avait été mis sur le pied de quatre groupes, mais il n’en avait encore que la moitié. Il allait être fait appel largement aux réservistes pour combler les trous.
Lorsque la mobilisation fut décrétée le 1er août 1914, le corps d'armée colonial fut mis sur pied à deux divisions d'infanterie(la 2e et la 3e) et une brigade de réserve (la 5e) celle de Paris. On lui confectionna deux artilleries divisionnaires a trois groupes de 75 mm et une artillerie dite de corps d'armée a quatre groupes du même calibre. On lui adjoignit comme cavalerie, un régiment de chasseurs d'Afrique, le 3e venu d'Algérie; et un bataillon du génie de Versailles, le 22e, qui lui était destiné dés le temps de paix. On y ajouta deux escadrons de réservistes du 6e dragons, de Vincennes et il fut dirigé sur les Ardennes où se groupait notre IVe armée.Comme nous l'avons dit, la brigade d'infanterie coloniale de Lyon fut affectée comme réserve d'infanterie du 14e corps.
Chaque régiment actif mobilisait un régiment de réserve qui portait le même numéro que le sien augmenté de 30 ou de 20, suivant les cas. Cette mesure donna donc douze régiments à deux bataillons seulement numérotés de 31 à 38 et de 41 à 44. Deux d'entre eux (41e et 43e formés à Paris) furent affectés
au 20e corps d'armée, sur le Grand-Couronné de Nancy. Deux autres (31e et 32e formés à Cherbourg et à Brest) furent envoyés renforcer la garnison de la place forte de Maubeuge. Huit autres furent affectés à des divisions de réserve et les deux derniers (33e et 37e) demeurèrent provisoirement disponibles
dans leurs garnisons de mobilisation (Rochefort et Bordeaux).
Le Maroc fournit immédiatement un régiment colonial composé de trois bataillons européens qui s'appela « régiment colonial de marche » et qui peut être considéré comme l'ancêtre du fameux R.I.C.M. dont nous ferons plus tard l'historique, et, après la bataille de la Marne, trois autres régiments de marche
composés chacun d'un bataillon blanc et de deux bataillons sénégalais. Ayant subi des pertes sensibles, ces quatre unités se fondirent en une seule, le régiment d'infanterie coloniale du Maroc.
Les suites de la guerre obligèrent le commandement à former d'autres régiments de la série 50 qui furent diversement employés (Dardanelles, Salonique, formations diverses du front occidental).
Enfin, furent mis sur pied une centaine de bataillons sénégalais qui furent employés soit comme combattants, soit dans des services d'étapes, un bataillon somali, trois bataillons malgaches.
A la fin de la guerre, l'armée française comptait sept divisions coloniales dans la composition desquelles entraient vingt-deux régiments. Neuf avaient disparu pour des raisons diverses, un seul demeurait disponible.
Voici la composition de ces divisions :
2e D.I.C. 22e. 24e. 43e régiments, 1er d'artillerie coloniale
3e D.I.C. - 7e, 21e, 23e régiments, 2e . d'artillerie coloniale
10e D.I.C, 33e, 52e, 53e régiments, 41e d'artillerie coloniale.
11e D.I.C. - 34e, 35e, 42e, 44e régiments, 21e d'artillerie coloniale
15e D.I.C. - 2e, 5e, 6e régiments, 22e d'artillerie coloniale.
16e D.I.C - 4e, 8e, 37e régiments, 42e d'artillerie coloniale,
17e D.I.C. - 1er 3e, 54e régiments 4e d'artillerie coloniale.
On trouvait évidemment par ailleurs des régiments d'artillerie Coloniale non endivisionnés. En principe, chaque régiment d'origine avait donné naissance à deux ou trois autres unités, Ainsi 1er, 21e, 41e, 2e, 22e, 42e, 3e, 23e, 43e. Les régiments lourds étaient numérotés 141, 142, 143, etc.
De la longue suite de batailles et de combats dans lesquels furent engagés ces corps de troupe coloniaux, nous ne retiendrons que les principaux d'entre eux :
- La bataille des frontières Ou, dans les Ardennes, la 3e division fut anéantie.
- Les batailles de Champagne.
- La bataille de la Somme en juillet 1916.
- La bataille du Chemin-des-Dames en avril 1917.
- La bataille de Saint-Mihiel en 1918.
- Les combats des Dardanelles et la grande bataille qui mit fin à la guerre sur le front macédonien
Les divisions coloniales furent les suivantes (la 1re n'ayant jamais été constituée):
2e D.I.C. : généraux Leblois (19l4), Mazillier (1915-1916), Sadorge, Aymerich (1917), Mordrelle (1917-1918). Elle participe :
-En 1914, aux batailles des frontières et de la Meuse (août), à la première bataille de la Marne , à la bataille de Vitry (septembre).
- En 1915. aux première et deuxième batailles de Champagne, fortin de Beauséjour et Main de Massiges.
En 1916, à la première bataille de la Somme (juillet - août), Frise, Herbécourt, Flaucourt, Biaches, Feuillères.
- En 1917, à la deuxième bataille de I'Aisne, Laffaux (avril).
- En 1918, à la troisième bataille de l'Aisne (mai-juillet), a la quatrième bataille de Champagne, montagne de Reims, et à la deuxième bataille de la Marne (Juillet - août), à la bataille de Saint Thierry (octobre), à la bataille de la Serre (octobre-novembre), à la poussée vers la Meuse (novembre).
3e D.I.C. généraux Raffenel, Leblond, Goullet (1914), Gadel (1915), Puypèroux (1916-1918). Elle participe :
- En 1914, engagée dans les mêmes secteurs que la 2e D.I.C.
En 1915, a la première bataille de Champagne (Ville-sur-Tourbe) et à la deuxième bataille de Champagne (Ville-sur-Tourbe et Massiges)
.
- En 1916, a la première bataille de la Somme : Becquincourt, Dompierre, Assevillers, Flaucourt. Belloy-en-Santerre (juillet), Villers-Carbonnel, Barleux (fin juillet).
- En 1917, à la deuxième bataille de l'Aisne bois de Mortier, mont des Singes (avril - mai).
- En 1918, à la quatrième bataille de Champagne montagne de Reims à la deuxième bataille de la Marne (juillet à septembre), à la bataille de Saint-Thierry (septembre - octobre), à la bataille de la Serre (octobre).
10e D.I.C. Généraux Marchand, Gadel (1915), Marchand (1916 1918), Elle participe
- En 1915 constituée le 20 mai, à la deuxième bataille de Champagne, ferme de Navarin.
- En 1916 à la bataille de la Somme. Belloy-en-Santerre.
- En 1917 à la deuxième bataille de l'Aisne. Heurtebise.
- En 1918 : à la troisième bataille de l'Aisne, Château-Thierry (mai - juin), à la quatrième bataille de Champagne, Rueil-sur-Marne, Troissy; à la deuxième bataille de la Marne (13 au 30 juillet).
11e D.I.C. : généraux Sicre, Venel, Bordeaux (1917), Farret (1918). Elle participe :
- En 1917, constituée le 1er janvier à l'armée d'Orient avec les 21e et 22e brigades coloniales. à Kerklima (mars), bataille de la boucle de la Tcherna (avril - mai).
En 1918, à la rupture du front de Macédoine, Prilep-Uskub-Mitrovitsa-Nich (septembre - novembre). Eléments détachés à Flume et Ragu (novembre), Occupation du territoire hongrois (décembre).
- En 1919 occupation du banat de Temesvar (janvier).
15e D.I.C. : généraux Bro (1915), Guérin (1915-1918). Elle participe :
En 1915. constituée le 16 juin, à la deuxième bataille de Champagne, butte de Souain (septembre).
En 1916, à la bataille de la Somme, Baileux, Belloy (août - octobre).
En 1917, à la deuxième bataille de l'Aisne, Cerny-en-Laonnais (avril).
En 1918, à la troisième bataille de Picardie, à la bataille de Montdidier (août), à la bataille de Saint-Mihiel (septembre).
16e D.I.C. généraux Bonnier (1915), Dessort (1916-1918), Elle participe :
-En 1915, constituée le 1er juillet, à la deuxième bataille de Champagne, butte de Souain, cote 193 (septembre - octobre)
-En 1916, à la bataille de la Somme. Flaucourt Barleux-la-Maisonnette (juillet - août). Passée à l’armée d'Orient (décembre)
-En 1917, aux opération nord-ouest de Monastir. cote 1248 (mars - avril). à la bataille de la boucle
de la Tcherna, piton Rocheux, piton Jaune (mai).
-En 1918, à la rupture du front de Macédoine, Nonte-Zborsko-massif de la Dzena, Stroumitsa (juin - octobre ).
-En 19l9, Roumanie, Bessarabie.
17e D.I.C. : généraux Masnou-Brulard (1915), Gérôme (1916), Tètart (1917), Bordeaux, Pruneau (1918). C'était l'ancienne 1ere division du corps expéditionnaire d'Orient. Elle participe :
-En 1915, aux Dardanelles, bataille de Krithia.
-En 1916, transformée en l7e D.I.C. (février - avril), à la bataille de Doiran (août à la bataille de la Tcherna (octobre - décembre).
-En 1917, à la bataille de la boucle de la Tcherna (mars - avril).
-En 1918, à la bataille de Dobropolje (septembre - octobre).
-En 1919, occupation du banat de Temesvar.
On remarquera que les grands secteurs des coloniaux sur le front de France ont été la Champagne et la Somme. Aucune division coloniale n'a été engagée entièrement à Verdun. Seul le R.I.C.M. qui comptait une division d'Afrique du Nord, la 38e , a porté haut et ferme le drapeau de l'arme à Douaumont.
« Le général commandant l'armée est heureux de porter à la connaissance des troupes sous ses ordres l’enlèvement d'un drapeau du 69e régiment d'Infanterie allemande. Ce brillant fait d'armes a été accompli par le 24e régiment d'infanterie coloniale pendant la journée du 26 septembre, combats au cours desquels l'ennemi a subi des pertes considérables et abandonné entre nos mains de nombreux prisonniers. Cette prise fait le plus grand honneur au 24e régiment d'infanterie coloniale et est de nature a rehausser si possible la brillante réputation de ce régiment. »
Le 22 octobre, la croix de la légion d'honneur fut épinglée à la cravate du drapeau par le général de Langle de Cary, en présence de détachements de tous les régiments du corps d'armée groupés autour du monument de Valmy.
Sur ce fait d'armes véritablement exceptionnel, car très rares ont été les drapeaux pris par les troupes françaises les armes à la main au cours de la guerre 1914-1918 , des détails furent recueillis beaucoup plus tard qui permettent de donner une physionomie des combats du 26 septembre.
Pendant la guerre, l'Armée française conquit sur l'Armée allemande treize drapeaux régimentaires dont douze prussiens et un bavarois. Deux de ces emblèmes furent offerts au maréchal French, commandant l'armée anglaise, par le général Joffre. Celui qui fut pris par le 24e R.I.C. le 26 septembre avait été remis en 1843 et appartenait depuis 1888 au 2e bataillon (de Trèves) du régiment d'infanterie de la Landwehr numéro 70. En 1914, il fut confié au 2e bataillon du régiment d'infanterie de réserve N 69.
En 1933, M. Jean Brunon demanda au général Jannot, ancien commandant du 24e, de lui communiquer des précisions sur le fait d'armes en question. Du récit que lui fit le général, nous extrayons ces quelques passages :
«Le 26 septembre, de très bon matin, l'appel du téléphone reliant mon poste de commandement aux
avant-postes retentit « Attaque sur tout le front. »
La fusillade crépite, puis la canonnade, c'est l'attaque générale. Je donne aussitôt des ordres pour la contre-attaque car il faut agir vite afin d’empêcher l'ennemi de sortir de la vallée du Marson et de gagner les crêtes de Minaucourt où nous avons de l'artillerie. Alors que j'attends des renseignements, le chef de bataillon commandant les avant-postes me dit que ses compagnies sont bousculées. Je donne à ce chef de bataillon, commandant de La Gletais, le commandement d'une compagnie du 3e bataillon engagée a gauche et des deux compagnies de réserve et le lance en avant avec ordre de refouler les Allemands et de gagner à tout prix la crête de 180 et le calvaire de Beauséjour. C'est au cours de cette progression que le groupement du commandant de La Gletais s’empara de tranchées prés de 180 et trouva dans l'une, le porte-drapeau du 69e régiment étendu blessé sur son emblème. A la nuit nous occupions nos anciennes positions. »
Par ailleurs, le commandant de La Gletais a relaté comment trois sections de la 12e compagnie et une de la 11e compagnie du 24e attaquèrent une tranchée allemande de la cote 180, couvrant de balles ses occupants. Ceux-ci firent aussitôt des signaux indiquant qu'ils se rendaient. Le feu cessa. Les Allemands une fois désarmés furent dirigés sur Minaucourt et, en visitant les tranchées, l'adjudant Canal, le sergent Ducombs et les soldats Casez, Dencausse et Bertrand trouvèrent, dissimulé dans de la paille, le drapeau du 2e bataillon du 69e régiment de réserve. La se tenait, blessé, le porte-drapeau, sergent Liesa, qui fut amené avec l'emblème au colonel Jannot.
Le commandant de La Gletais fut fait officier de la Légion d'honneur, les sous-officiers et soldats reçurent la médaille militaire.
L'assaut fut donné le 22 février à 16 heures par le 1er bataillon (Roguin) et le 3e (Dasque). Le 2e (Dauvillers) était maintenu en réserve à Minaucourt. Le régiment était sous les ordres du lieutenant-colonel Bonnin. Le fortin fut enlevé d'un seul élan, mais une forte réaction de l'artillerie ennemie commença
dans la soirée et fut suivie de contre-attaques de nuit par des détachements composés de spécialistes grenadiers, tandis que les nôtres commençaient seulement à se servir de ces engins tout à fait nouveaux pour eux.
Ils reculèrent pied à pied mais furent submergés et ramenés le 23 sur les positions de départ. L’affaire fut reprise le 27 par deux bataillons du 3e R.I.C. et le 2e bataillon du 22e. Elle réussit pleinement. mais les pertes étaient sévères 17 officiers et 1.251 hommes du 22e, 17 officiers et 900 hommes du 3e, tués, blessés, disparus pour 1'ensemble de l'opération.
Les combats du fortin de Beauséjour constituent une page de gloire impérissable et il convient de citer ici quelques faits d'armes individuels.
La fusillade partant des tranchées obliques était violente, continuelle, le terre plein, couvert d'Allemands qui avançaient en hurlant. Dans les boyaux, les marsouins étaient obligés de reculer devant les grenades. Dans la tranchée nord n°1, le lieutenant Raynal monte sur le parapet exhortant ses hommes à l'imiter et a charger à la baïonnette. Il est bientôt blessé à l'oeil et au ventre. Il continue à diriger la défense jusqu'à complet épuisement.
A sa gauche, le lieutenant Casaux réussit à monter sur le parapet après avoir établi un barrage dans le boyau. Il charge avec sa section, mais il a à peine fait quelques mètres qu'il tombe traversé de part en part par les balles. Alors il se fait mettre face à l'ennemi et, pendant que la mitraille fait rage, il maintient ses marsouins autour de lui, chantant à haute voix : « Mourir pour la Patrie est le sort le plus beau . »
Le barrage établi dans le boyau va céder, les survivants de la 11e compagnie battent en retraite, le lieutenant Casaux ne parle plus, les hommes le croient mort. Le soldat Simon traîne son corps par les pieds pendant 200 mètres à travers les balles et la mitraille des canons-revolvers et ramène son officier dans
nos lignes.
Dans le boyau, en effet, les Allemands arrivent nombreux, la baïonnette en avant. Le soldat Mathieu Jouy est là, seul, tous ses camarades sont tombés autour de lui tués ou blessés d’éclats de grenades, on lui crie de se rendre, il répond en ajustant les assaillants, les tient en respect par son feu, en tue six. Blessé au bras d'un coup de baïonnette, au corps à corps avec un septième adversaire. il le tue, reçoit un coup de sabre d'un officier ennemi qu'il blesse grièvement et se replie enfin, sanglant, vers le boyau du fortin...
Pendant que le combat se déroulait ainsi sur la droite, l'ennemi, suivant un autre boyau, avait coupé en deux notre ligne de résistance et commençait à affluer vers le fortin Le capitaine Poirier, commandant la 12e compagnie, sentant le danger, veut se reporter en avant mais un éclat de bombe l'atteint au visage et il tombe, la face contre terre. Se relevant dans un sursaut d'énergie, il saisit un fusil, se défend à coups de crosse et de baïonnette, tuant plusieurs adversaires. Un deuxième projectile l'atteint, il tombe de nouveau. Les Allemands avancent en masse de tous cotés, empêchant les hommes de la compagnie - une poignée - de prendre leur Capitaine qui est sous leurs yeux, à terre, frappé à coups de crosse et de talon.
Les mitrailleuses qui se trouvent dans le fortin ont été broyées par les obus, sauf une pièce que le sergent Cazeilles, seul survivant de sa section, blessé grièvement au bras droit, emporte sur son dos. Le lieutenant Lelong, commandant une des sections de mitrailleuses, voyant la position perdue, sort son revolver, dit aux hommes qui l'entourent « Je vais vous faire voir comment meurt un officier français. » Il se précipite sur les Allemands, en abat plusieurs et tombe percé de coups.
Les derniers Survivants battent en retraite. Des quatre compagnies qui avaient pénétré dans le fortin la veille, il revenait trente hommes. Les autres étaient tous tués, blessés ou restés dans les boyaux. Personne ne s'était rendu.
Cc brillant fait d'armes fut récompensé par une citation du 22e régiment d’infanterie coloniale a l'ordre de l'Armée. De nombreux officiers, sous-officiers et soldats furent cités. La médaille militaire fut conférée a Mathieu Jouy qui mérita le surnom de héros du fortin de Beauséjour
Au mois d'août 1916, il fut promu chevalier de la Légion d'honneur car il avait brillamment soutenu sa réputation armé d'un fusil mitrailleur, il s'était élancé en avant de la première vague d'assaut et avait littéralement terrorisé l'ennemi par un feu meurtrier. De tels exemples n’étaient pas rares dans les
troupes Coloniales.
La préparation d'artillerie débuta trop tôt, le 22, et indiqua suffisamment a l'ennemi le secteur dans lequel nous allions attaquer. Le 1er corps colonial était chargé d'enlever la « main » de Massiges et ses abords; la 2e division avait pour objectifs l'index, le Majeur l'Annulaire; la 3' devait attaquer à l'ouest de la grande route de Sainte-Menehould à Vouziers.
A l'est de cette route, il y avait une division métropolitaine, la 151e. La progression fut très limitée. Le 6
octobre, l'offensive fut reprise, sans changer beaucoup de choses au résultat. Les Allemands avaient été chassés de la « main » mais s'étaient réorganisés sur la crête descendant de Maisons-de-Champagne vers le calvaire de Ville-sur-Tourbe. Le 1er corps colonial avait fait 2 000 prisonniers.
Le 2e corps colonial attaqua sur un front de 6 kilomètres, renforcé par la division marocaine, la 15e division coloniale à l'ouest, la 10e au centre. Le succès que fut la prise de la ferme de Navarin ne put être exploitée le brouillard empêcha l'artillerie de suivre l'infanterie. L'ennemi en profita et ce fut une tuerie.
Le général Marchand, commandant la 10e D.I.C., fut grièvement blessé, tous les chefs de corps tués ou blessés. Le 2e corps colonial perdit 150 officiers et 5 000 hommes.
Le 2e corps colonial attaquait au nord de Fismes, à cheval sur le plateau de Paissy, la 10e division à l'est, la 15e à l'ouest. L'ennemi occupait une forte position. Les deux divisions avaient été renforcés par dix bataillons sénégalais (les 57e et 58e régiments, trois bataillons indépendants et le bataillon somali). La 10' division atteignit la ferme Heurtebise et le village d'Ailles mais ne put les occuper.
La 15e division échoua de même devant Cerny. Les pertes furent lourdes, elles se montèrent à 280 officiers et plusieurs milliers d'hommes. Presque tous les commandants de brigades et de régiments avaient été tués ou blessés. Le 2e corps colonial fut retiré de la lutte dés le 18 avril.
Le 1er corps colonial regagna la Champagne, dans le secteur de Craonne, après être passé sous le commandement du général Mazillier. Le 2e corps colonial tint au mois d'octobre un secteur au nord-est de Verdun.
Le 18 juillet, la 2e division repris Courmas et le bois d'Onrézy.
Au début de 1918, le 2e corps colonial se trouvait dans le secteur de Saint-Mihiel. La 15e division s'étendait du fort des Paroches à Sampigny; la 10e était à cheval sur les côtes de Meuse, tenant la forêt d'Apremont. En mars, elle s'adjugea tout le secteur, la 15e ayant été transportée en Picardie. Le 28 mai, elle fut à son tour amenée dans la région de Château-Thierry où elle se trouva dans une situation difficile car ses éléments étaient jetés dans la bataille au fur et à mesure de leur débarquement, sur un front de 14 kilomètres de part et d’autre de la ville, dans la ville même, puis à l'ouest et au sud, du 30 mai au 6 juin. Ils opposèrent à l'ennemi une admirable résistance que Marchand anima et qui contribua à stopper l'avance allemande en direction de Paris.
Non loin, au Bois-Belleau, les « Marines » américains allaient se battre eux aussi avec courage et ténacité.
En juillet, la 10e division passa en Champagne afin de défendre la vallée de la Marne entre les forêts de Reims et d'Epernay.
Elle résista aux trois jours d'attaques allemandes du 15 au 18, et fut regroupée dans la région de Verdun le 31.
L'offensive commença le 12 septembre.
La 15e division avait pour objectif les Eparges et les Américains devaient atteindre Hattonchâtel. Les trois divisions du 2e corps colonial devaient s'emparer de Chauvoncourt, de Saint-Mihiel et pousser dans la plaine de Woëvre. Tous ces objectifs furent atteints brillamment.
A la fin du mois de septembre, les 10e et 15e divisions se trouvèrent regroupées sur les Hauts-de-Meuse. La 10e prit part à l'enlèvement des positions allemandes entre Consenvoye et les jumelles d'Ornes. Des bataillons de tirailleurs sénégalais se battirent au bois d'Haumont du 7 au 11 octobre.
A partir du 15 les deux divisions prirent part à l'offensive de la 1re armée américaine vers la Meuse et, le 9 novembre, la 15e atteignait Peuvillers.
Les unités de la coloniale se retrouveront sur le Rhin, le 2e corps occupera la région de Mayence où le général Mangin, commandant la Xe armée, installera son état-major, et le 1er corps occupera le Palatinat. En juin 1919, le 1er subsistera, seul, le 2e ayant été dissous.
Les régiments coloniaux furent rapatriés, les bataillons sénégalais regagnèrent l'Afrique, le drapeau du 1er régiment de tirailleurs sénégalais reçut la fourragère aux couleurs de la médaille militaire, juste hommage rendu aux multiples citations qui avaient été décernées à tous ces bataillons, réunis maintenant en régiments ou dissous. Le 14 juillet 1919, le général Mazillier défila sous l'Arc de Triomphe à la tête
des drapeaux des corps coloniaux.
4e régiment mixte de marche, Lieutenant-colonel Vacher : 1er et 2e bataillons sénégalais d'Algérie commandants Labarsouque et Derratier et bataillon du 4e colonial commandant Serre.
6e régiment mixte de marche, Lieutenant-colonel Nogues 3e et 4e bataillons sénégalais du Maroc, commandants Simonin et Nibaudeau, et bataillon du 6e colonial, commandant Chabbert.
Ces deux unités devaient prendre par la suite les numéros 54 et 56.
Dans la deuxième division française qui arriva en renfort après les premières batailles figurait également
une brigade mixte coloniale commandée par le général Simonin et comprenant les 7e et 8e régiments mixtes
(devenus par la suite 57e et 58e régiments) commandés par le commandant Aymes et le lieutenant-colonel Adhémar.
Concentrée en Egypte la première division fut dirigée vers les détroits le 25 avril 1915. Une diversion
fut effectuée sur la cote d’Asie, à Khoum-Kalé par le 6e régiment mixte colonial, et une batterie de 75, sous la direction du colonel Ruef. Vif succès qui ne fut pas exploité, tous les plans élaborés par le commandement
britannique prévoyant le débarquement en force sur la côte d'Europe, à Sedduhl-Bahr, ce qui fut une erreur et une faute aussi.
La progression fut excessivement lente et, lorsque la deuxième division fut engagée sur le plateau de
Kérévès-Déré, et sur l'éperon au nord de Krithia, clé de toute la presqu'île de Gallipoli, ce furent de durs combats qui coûtèrent très cher en vies humaines.
Le général Gouraud avait pris le commandement du corps expéditionnaire français le 14 mai 1915. Il réorganisa les positions, fit reprendre l'offensive le 1er juin. Le 30 juin, les coloniaux enlevaient l'ouvrage du Quadrilatère.
Le général fut très grièvement blessé. Le général Ganeval, commandant l'une des brigades, avait été tué.
Il eût été vain de s’obstiner et l'évacuation de la presqu’île s'échelonna de septembre à décembre 1915. La division coloniale, sous le commandement du général Brulard, quitta la dernière le front malheureux des Dardanelles où la France avait envoyé prés de 80.000 hommes et avait perdu 27.000, tués ou blessés.
La part des éléments coloniaux, dans ces pertes, atteint les deux tiers du chiffre cité.
Un autre front oriental allait s'ouvrir, en Macédoine.
11e D.I.C. (Sicre avec les 21e brigade (Expert-Besançon. 33e , 34e et 44e régiments) et 22e brigade (Venel 42e régiment colonial et 2e bis de zouaves).
16e D.I.C. (Dessort), avec les 4e brigade (Tetard, 4e et 8e régiments) et 30e brigade (Pruneau, 57e et 58e régiments).
17e D.I.C (Gérôme) avec les 33e brigade (Fourcade, 54e et 56e régiments) et 34e brigade (Bordeaux, 1er et 3e régiments)
Ces trois divisions se retrouvèrent dans la boucle de la Tcherna en mai 1916.
Le 22 novembre l917, le général Guillaumat a pris le commandement de l'armée, avec une mission défensive car la situation générale n'est pas bonne en cette fin d'année, défection russe, élimination de la Roumanie par les Allemands, désastre italien à Caporetto, crise des effectifs en France... Cependant, lorsqu'en fin mars les Allemands prennent l'offensive sur le front occidental, l'armée d'Orient devra faire effort pour retenir devant elle le plus de forces ennemies possible.
Le général Guillaumat entame d'abord une série d'opérations locales, puis les trois divisions
coloniales prendront part à la grande offensive que son successeur, le général Franchet d'Esperey, déclenchera à partir du mois de septembre 1918.
Le plan de l'opération consiste à couper en deux les armées bulgaro-allemandes en attaquant au centre, objectif la région de Negotin-Kavadar, puis en exploitant vers Prilep, en lançant une force française dans la direction d'Uskub, Nich, Kustendil, et en faisant intervenir d'autres forces à l'est du Vardar, objectif vallée de la Stroumitsa.
L’action principale sera menée par l'armée serbe qui dispose de la 17e division coloniale. Celle-ci attaque le 15 septembre dans le système fortifié du Dobropolje, et ouvre aux Serbes les portes de leurs foyers perdus trois ans auparavant Cela au prix de lourdes pertes, 30 officiers et 1 200 hommes. La division passe le Vardar le 26 et arrive à Néokasi le 30.
La 11e division coloniale, à l'aile droite, avec des forces hellènes, contribue à la prise de Prilep (17-23 septembre). La cavalerie (brigade Jouinot-Gambetta) fonce alors vers le nord pour gagner Uskub, ayant comme soutien un détachement composé de la 22e brigade coloniale (42e et 44e régiments, 20e et 39e bataillons sénégalais, général Tranié). Ce détachement parvient à Uskub le lendemain de l'entrée des cavaliers, le 30 septembre. Cette pointe audacieuse forcera l'ennemi à demander l'armistice. La 11e division est parvenue à Kreova le 30 ayant parcouru 200 kilomètres en haute montagne.
Monténégro, Mourmansk, la Sibérie la coloniale aura combattu partout, dans le vaste monde
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